Il faut sauver Evie - Épisode 1
by Calla Gordon
Gabi coule un regard par la porte ouverte de la maison de M. Hamilton.
Elle ne discerne pas grand-chose d’autre que des ombres et l’obscurité.
B-bonjour ? Il y a quelqu’un ?
Personne ne lui répond.
Gabi se mord la lèvre.
Puis elle sort son portable et appelle son petit copain sur FaceTime.
Cameron décroche à la troisième tonalité.
Il se trouve dans une salle de bains qu’elle ne reconnaît pas…
Et de la musique s’élève en arrière-plan.
Il est manifestement à une fête.
Salut, Gabi. Qu’est-ce qui se passe ?
Je pensais que tu faisais du baby-sitting pour M. Hamilton ce soir.
C’est le cas. Enfin, c’est ce que je suis supposée faire…
Mais quelque chose ne tourne pas rond.
Tiens, regarde.
Gabi tourne son téléphone de sorte que la caméra montre l’intérieur de la maison par la porte ouverte.
Je ne comprends pas. Qu’est-ce que je regarde ?
Je devais arriver à 20 heures…
Mais toutes les lumières sont éteintes…
Et la porte d’entrée est grand ouverte.
Tu as peut-être mal compris la date ?
Tu étais peut-être supposée faire du baby-sitting le week-end prochain ?
Je suis CERTAINE que c’est le bon jour. En plus…
Ça n’explique pas pourquoi M. Hamilton aurait laissé la porte d’entrée ouverte.
D’habitude, il est super à cheval sur la sécurité.
Peut-être que sa femme de ménage l’a laissée ouverte par accident.
Tout ce qui compte, c’est que…
Tu peux me rejoindre à cette fête, maintenant !
Gabi hésite.
Steuplaît ?
Cameron fait la moue devant l’objectif…
Et Gabi ne peut retenir un éclat de rire.
Pourquoi pas ?
Tu es chez Jackson ou…
À cet instant, quelque chose se fracasse dans la maison.
Gabi hoquette.
Qu’est-ce que c’était que ça ?
Toi aussi, tu as entendu ?!
On aurait dit du verre brisé.
Oh, mon Dieu…
Ça venait de l’intérieur de la maison, Cam !
OK, c’est un peu flippant…
Mais c’est sûrement leur chat qui a renversé un vase, ou un truc comme ça.
Les Hamilton n’ont pas de chat !
Calme-toi, Gabi.
Je suis sûr qu’il y a une explication parfaitement rationnelle.
Mais Gabi secoue la tête.
Il se passe de quelque chose de louche, ici.
Eh bien, quoi que ce soit, ce n’est pas ton problème.
Oublie ça et viens à la fête.
Je ne peux pas juste m’en aller, Cam ! Evie n’a que quatre ans.
Et s’il était arrivé quelque chose à M. Hamilton ?
Comme quoi ?
Je n’en sais rien ! Et s’il avait eu une crise cardiaque, ou un truc du genre ?
Et si Evie était toute seule ?
Appelle les flics, si tu es aussi inquiète.
Hésitante, Gabi scrute les ténèbres par la porte d’entrée.
Elle prend soudain une décision.
J’entre.
Quoi ?! Tu plaisantes !
Gabi, n’y pense MÊME PAS !
Mais Gabi ne l’écoute pas.
Elle se rapproche de la porte.
Je vais juste jeter un coup d’œil rapide…
Pour m’assurer que personne n’est blessé.
Gabi, c’est complètement dingue !
Je dois le faire.
Ne raccroche pas, d’accord ?
Je me sentirai mieux si tu restes avec moi.
Gabi, arrête ! C’est une très mauvaise idée.
Chuuut ! Tu veux bien baisser la voix ?
Je n’ai pas exactement envie d’annoncer mon arrivée.
Cameron se tait enfin.
Il presse les lèvres avec colère, au point que sa bouche ne forme plus qu’une ligne mince.
Gabi pénètre dans l’entrée plongée dans la pénombre.
Elle n’y voit pas à deux mètres.
Mais elle connaît bien la maison.
Elle prend à gauche en direction de la cuisine…
Et rentre dans une haute silhouette.
Gabi pousse un glapissement.
Qu’est-ce qui se passe ? Qui est là ? J’appelle la police !
Gabi retrouve ses repères…
Et réalise qu’on ne l’attaque pas.
Ce n’est rien, je vais bien.
Qu’est-ce qui s’est passé ?!
Gabi déglutit avec difficulté…
Puis tourne son téléphone pour que Cameron puisse voir « la silhouette ».
Ce n’était qu’un portemanteau.
Tu te fiches de moi ?
Tout fait peur, dans le noir !
Sors de là, Gabi.
Tu as jeté un œil, tout va bien.
Gabi s’apprête à se ranger à l’avis de Cameron…
Quand un hurlement déchire le silence.
Est-ce que quelqu’un vient de…
Hurler ? Oui ! Ça venait de l’étage !
Sors de cette maison. Tout de suite !
Je ne peux pas. On aurait dit un enfant.
Et si on avait fait du mal à Evie ?
Et si la personne qui lui avait fait du mal était toujours là ?
Et décidait de te faire du mal à TOI ?
Gabi scrute les escaliers.
Elle sait que Cameron a raison.
Ce qu’elle fait est dangereux et stupide.
Mais elle ne peut pas partir si Evie est en danger.
Elle prend la direction des escaliers.
Cameron baisse la voix ; celle-ci n’est plus qu’un murmure furieux.
Arrête tout de suite ! Ne fais pas un pas de plus ! Je suis sérieux !
Gabi s’immobilise.
Mais pas parce que Cameron le lui a ordonné.
Cam, regarde !
Elle dirige son téléphone vers les escaliers…
Où un liquide sombre macule de bout en bout les escaliers et la rampe.
C’est du sang ?
Je… Je crois que oui.
Et Cam… Je vois autre chose.
Elle monte les escaliers.
Le clair de lune se fraie tant bien que mal un chemin par une fenêtre du couloir…
Mais elle y voit assez pour discerner un pied qui dépasse du chambranle de l’une des chambres de l’étage.
Gabi se rapproche sans un bruit…
Et pâlit soudain.
Le pied appartient à M. Hamilton.
Il est étendu face contre terre dans une mare de sang.
Cam perd son sang-froid ; il fait des mimiques et gesticule comme un fou.
Gabi lui répond par d’autres mimiques frénétiques pour lui intimer le silence.
Parce qu’à présent qu’elle se trouve à l’étage…
Elle distingue une voix dans la chambre de M. Hamilton, au bout du couloir.
Elle se rapproche sur la pointe des pieds…
Et la voix gagne en intensité.
C’est celle d’un homme.
Et il est FOU.
Où est-il ? Je sais que tu le sais. Ne me mens pas !
Gabi ne voit pas Evie…
Mais ses gémissements s’échappent de la pièce.
Dis-moi où papa garde tout son argent, et je ne te ferai pas de mal, d’accord ?
Evie pleure à chaudes larmes à présent.
Dis-moi où se trouve le coffre-fort !
Le rugissement de l’homme fait frissonner Gabi.
Elle ne peut qu’imaginer la terreur que ressent Evie.
Elle n’a que quatre ans !
Gabi ne réfléchit même pas.
Elle se contente d’agir.
Elle se précipite dans la chambre.
Hé, j’ai une idée !
L’homme se tourne brusquement vers elle…
Et une poussée d’adrénaline s’empare de Gabi.
Elle entend Cam qui lui hurle dessus, depuis le téléphone dans sa main…
Mais il est trop tard pour remettre sa décision en question.
On va tous faire une petite partie de cache-cache.
Allez, tout le monde, trouvez votre meilleure cachette !
La silhouette se dirige vers elle à grands pas furieux.
Et Gabi s’élance pour lui échapper…
Traversant le couloir en sens inverse à toute vitesse…
Puis trébuchant dans les escaliers.
Son plan fonctionne…
Et l’intrus est lancé à sa poursuite.
Le problème, c’est que son plan fonctionne un peu TROP bien.
L’intrus gagne du terrain.
Elle se risque à jeter un coup d’œil en arrière…
Et voit l’homme descendre les marches quatre à quatre.
Le couteau sanglant qu’il tient luit sous le clair de lune.
Gabi accélère…
Espérant qu’Evie a compris ce qu’elle voulait dire…
Et que la petite fille s’est cachée dans la chute à linge de sa chambre…
Comme elle le fait toujours durant leurs parties de cache-cache.
Gabi arrive dans la cuisine avec un dérapage et ouvre le placard sous l’évier.
Elle repousse la poubelle et se tasse dans le petit espace.
Elle parvient tout juste à refermer la porte…
Lorsque des bruits de pas retentissent sur le palier des escaliers.
Montre-toi, où que tu sois !
Gabi se plaque la main sur la bouche.
Elle respire par à-coups brefs.
Gabi entend l’homme parcourir la maison…
Ouvrant les portes des placards à la volée…
Et poussant brusquement les meubles.
Gabi ravale un glapissement à chaque son.
Il finira par la trouver, ce n’est qu’une question de temps.
C’est à cet instant que Gabi réalise qu’elle tient toujours son téléphone serré dans sa main.
Elle l’amène devant son visage et baisse la voix jusqu’à ce qu’elle ne soit plus qu’un souffle.
Cameron, tu es là ?
Pas de réponse.
Mais si elle tend bien l’oreille…
Elle pourrait jurer entendre des pneus crisser en arrière-plan.
Cam ! Cam, tu es là ?
Pas de réponse.
Elle ne peut pas parler plus fort sans révéler sa cachette à l’intrus.
Elle ravale un sanglot.
Les pas se rapprochent.
Il se tient juste devant le placard, à présent.
Gabi serre ses genoux contre sa poitrine…
Et ferme les yeux de toutes ses forces.
Ça y est.
Elle va mourir, comme M. Hamilton.
C’est à cet instant qu’elle les entend.
Des sirènes.
Tout d’abord, elle a l’impression qu’elles viennent de l’extérieur.
Et l’espoir la gagne.
Mais elle réalise soudain que le son vient de son téléphone.
Non, non, non, non !
Gabi frappe frénétiquement son téléphone, essayant de couper le son.
Mais il est trop tard.
La porte du placard s’ouvre à la volée.
Et un visage lui sourit d’un air vicieux.
Trouvée.
Gabi se met à hurler.
Ne t’avise pas de la toucher !
Cameron ! Il est de retour sur le téléphone.
Cameron, à l’aide ! Appelle la police !
J’ai pris les devants, Gabi.
Le hurlement des sirènes semble plus net.
Et Gabi réalise à présent que le bruit vient à la fois du téléphone ET de l’extérieur.
L’homme recule brusquement, manifestement surpris par les sirènes.
Puis il prend la fuite par la porte d’entrée.
Mais il est trop tard.
Une voix retentissante s’élève dehors.
Les mains en l’air !
Le téléphone de Gabi fait écho à la voix de l’officier de police.
Cam est là.
Cam a appelé la police.
Les larmes roulent sur les joues de Gabi.
Elle baisse les yeux vers son téléphone.
Cam ? Tu es vraiment là ?
Les images à l’écran se succèdent follement pendant quelques instants.
Noir, gravier, ciel…
Puis le visage de Cam apparaît.
Les lumières de gyrophares virevoltent derrière lui.
Tu ne pensais quand même pas que j’allais raccrocher, non ?
Un rire hystérique échappe à Gabi.
La police a attrapé le type, Gabi. Tu peux sortir, maintenant.
Elle déglutit avec difficulté.
Je dois d’abord faire quelque chose.
Elle s’extirpe du placard.
Et monte à l’étage pour retrouver Evie.
App